Le craquèlement est le signe de vieillissement et l’altération sans doute la plus visible sur un tableau. Tous les tableaux anciens présentent des craquelures qui modifient plus ou moins leur aspect. Ce réseau de craquelures de diverses natures est fonction des matériaux utilisées, de leur mise en oeuvre, des conditions atmosphériques auxquelles l’oeuvre a été exposée et du traitement qu’elle a reçu.
Nous distinguons deux grands groupes de craquelures.
- Les formes de craquelures qui apparaissent lors du processus de séchage et/ou d’oxydation de la couche picturale, sont appelées craquelures prématurées.
- En revanche, les craquelures qui se forment alors que le film de peinture est sec sont nommées craquelures d’âge. Elles apparaissent du fait de facteurs mécaniques externes.
Les craquelures prématurées
Les craquelures prématurées apparaissent au moment du séchage de la peinture du fait de processus chimiques et/ou contrainte physique, et affectent uniquement les couches colorées, mais jamais la préparation. Elles peuvent avoir une largeur de 1mm et plus. Les craquelures prématurées sont toujours liées à la mise en oeuvre des matériaux de la peinture. La formation de ces dernières dépend essentiellement de la nature de l’huile siccative utilisé comme liant, de la préparation et de la mise en oeuvre des matériaux de la peinture.
Craquelures prématurées provoquées par le liant
Les principales responsables de la formation de craquelures prématurées sont les couches de peinture liées avec de l’huile d’oeillette ou de noix qui n’étaient pas encore parfaitement sechent lors de l’application de la couche colorée suivante. Des expériences ont montré que les couleurs à l’huile d’oeillette ou de noix se rétractent plus au séchage que les couleurs à l’huile de lin.
Craquelures prématurées provoquées par la préparation
Ce phénomène peut également être lié au fait que la préparation est lisse et de mauvaise qualité. Lors du séchage, ou plus exactement lors de l’oxydation et de la polymérisation de l’huile, la couche colorée se rétracte. Sur une préparation trop lisse, elle ne trouve pas de point d’attache et les tensions qui naissent provoquent la formation plus ou moins marquée de craquelures prématurées.
Craquelures prématurées provoquées par les matériaux de la peinture
- La pose de la peinture détermine l’aspect des craquelures prématurées. Aux endroits où la couche est la moins épaisse se forment les réseaux de craquelures les plus denses. Inversement, aux endroits les plus épais, se forment des craquelures isolées, larges et profondes.
- Le support peut également influer sur la forme de la craquelure prématurée. Un support lisse, du carton à peindre par exemple, facilite la formation de craquelures. De même, une toile présentant un tissage trop lâche ou enduite d’une enduction de mauvaise qualité, provoquera malheureusement des craquelures et une désolidarisation de la couche picturale. Afin d’éviter ces désagréments nous vous conseillons de choisir des toiles en lin de premier choix soigneusement enduites.
Découvrez notre sélection de toiles à peindre. - Le bitume et son utilisation dans les sous-couches aurait des conséquences particulièrement déplorables. Selon certains écrits, les couches colorées posées sur du bitume se creusent de craquelures prématurées marquées dont la largeur peut atteindre plusieurs millimètres.
Ainsi, pour résumer, nous conseillerons aux peintres, pour éviter l’apparition des craquelures prématurées, de veiller à bien doser les empâtements de couleurs, de toujours peindre sur des supports soigneusement préparés et suffisamment résistants, de limiter l’usage de siccatifs, voir bannir certains auxiliaires à peindre (tel que le bitume), de ne pas trop diluer les couleurs avec des essences (térébenthine, essence de pétrole) et enfin, de toujours respecter la règle du gras sur maigre pour que le séchage des différentes couches picturales soit harmonieux et sans tensions responsables de ces craquelures.
Classification visuelle des craquelures prématurées
Selon leurs aspects visuels, on peut classifier les craquelures prématurées en microcraquelures prématurées, craquelures liées à la touche, réseau de craquelures prématurées, craquelures prématurées en escargot, peau de crocodile et craquelures du vernis.
Craquelures liées à la touche
Elles suivent le sillon plus ou moins visible du pinceau dans la couche colorée. Sur les tableaux du XIXème siècle, leur présence est vraiment fréquente.
Réseau de craquelures
Le réseau de craquelures prématurées se distingue de la peau de crocodile par les craquelures primaires et secondaires qui forment un dessin irrégulier.
Craquelures en escargot
La craquelure prématurée en escargot est une craquelure au dessin concentrique.
Sa formation est sans doute liée au liant utilisé dans la couche picturale et les tensions du support.
Les craquelures d’âge
Contrairement aux craquelures prématurées, qui sont souvent de couleurs claires, en particulier sur les tableaux du XIXème siècle, on reconnait le réseau de craquelures d’âge à ses lignes fines et toujours de couleurs sombres. Tous les tableaux anciens possèdent des craquelures d’âge affectant toutes ses couches depuis le support. La craquelure d’âge typique est constituée d’un réseau très dense de fines fissures (d’une largeur inférieure à 1 mm) avec une ouverture étroite au tracé droit ou légèrement arqué.
Les couches picturales sur toile de lin ou panneau de bois subissent les contraintes mécaniques du support qui se contracte ou se dilate en fonction du degré hygrométrique de l’air. En fonction des matériaux qui la composent et de son âge, la couche picturale possède une élasticité plus ou moins importante. Plus un tableau est ancien et plus sa couche picturale est cassante et fragile. Devenue sensible, la couche picturale réagit aux mouvements continuels du support (même faibles) provoquant la fameuse craquelure d’âge. On estime qu’elle peut apparaître au bout de 50 à 60 ans environ.
Les craquelures d’âge liées au support toile
Réseau de craquelures horizontales et verticales et/ou les craquelures en résille.
Dans certains cas, la forme des craquelures d’âge permet d’identifier le mode de tissage du support toile. Les tableaux peints sur des toiles de lin lâches peuvent présenter un réseau de craquelures horizontales et verticales, appelé structure pavimenteuse, qui reflète la taille de l’espace séparant les fils de chaîne et de trame.
Craquelures provoquées par le châssis du tableau
(appelées aussi “marques de châssis”)
Les marques de châssis forment généralement une “ligne” qui longe l’arête intérieure du châssis. A cause des variations climatiques, la toile se tend et se relâche. Lors de ce processus, elle prend appui sur les montant du châssis et avec le temps une usure de la toile peut se faire. C’est pourquoi il est important, quand on peint sur toile, de choisir un châssis chanfreiné, c’est à dire dont les arêtes ont été abattues.
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Les craquelures de tension
Leurs formes varient en fonction de la nature de la tension ou de la pression exercée sur la toile. Sous cette désignation, nous avons :
les craquelures en rayon qui résultent d’une forte pression localisée et exercée sur le revers de la toile
les guirlandes au niveau des semences, qui apparaissent au moment de la mise sous tension de la toile sur le châssis
les craquelures d’angle, qui résultent du climat mais aussi d’une surtension de la toile. Elles sont typiques de la toile de lin
Les craquelures d’âge liées au support bois
A quelques exceptions près, ce sont les mêmes que celles apparaissant dans une couche picturale sur support textile. Cependant, ce support ayant une élasticité bien inférieure, toutes les formes de craquelures sont, généralement, moins marquées.
Les chancis
Si des microfissures très fines apparaissent dans la couche picturale d’un tableau de sorte que sa surface se “ternit” en partie ou en totalité, on parle de chanci (blanchiment). Le chanci provoque la disparition d’une partie ou de l’ensemble des couleurs et des formes originales d’un tableau. Il y a deux formes de chanci: le chanci profond affectant la colorée et le chanci superficiel affectant uniquement le vernis. Cependant leur origine est commune. Elle est due à un taux d’humidité relative très élevé, un contact avec de l’eau (condensation, etc…) ou avec des acides. Ce ternissement de la couche picturale provient d’une perte de contact entre le grain de pigment et le liant, et de la modification de l’indice de réfraction de la couche colorée qui en découle.
Les craquelures artificielles
Les craquelures artificielles sont provoquées soit par une certaine utilisation des matériaux de la peinture, soit en étant dessinées ou peintes sur la couche colorée, soit créées par “cassure” volontaire de cette dernière. Dans leur travail, les restaurateurs ou les faussaires recourent à l’occasion aux craquelures artificielles. Mais alors que le restaurateur limite leur utilisation à ses retouches, pour qu’elles s’intègrent mieux à l’original, le faussaire y recourt pour tenter de donner au tableau un aspect ancien à des fins de tromperie. Il est très simple de provoquer des craquelures artificielles en y posant un film de peinture hautement dosée en siccatif sur un film à séchage lent. Il existe aussi, plus simplement, des vernis à craqueler. Cependant, ces craquelures feintes, sont relativement faciles à identifier tant par leur aspect irrégulier que par leur étendue homogène sur le tableau. On peut également provoquer ce type de craquelures par des chocs thermiques (chaud/froid) ainsi qu’en exposant successivement le tableau à une forte humidité puis à un brusque séchage; Enfin, le faussaire peut également créer des craquelures artificielles par “cassure” volontaire de la couche picturale. Il peint son tableau sur un papier fin ou une toile très fine, libre de tout châssis. Après séchage complet du tableau, il provoque des fissures en exerçant des pressions. Reste pour finir de vieillir le tableau en frottant le réseau de craquelures obtenu avec de la suie ou autres substances noircissantes analogues.
Dans l’analyse d’un tableau, les craquelures ont une importance certaine pour la détermination de l’authentification d’une oeuvre. En effet, les repeints ou les repentirs d’un tableau présentent souvent des craquelures prématurées. Concernant les craquelures d’âge, elles fournissent également tout un panel d’informations précieuses. Ainsi, les spécialistes, historiens de l’art ou restaurateurs, sont capables, par le seul examen de la forme des craquelures, de faire la différence entre un tableau peint à l’origine sur une toile de lin ou sur un panneau de bois, si le tableau a subi des restaurations antérieures, s’il a été conservé dans de bonnes conditions …
3 Avis
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Très intéressant, merci pour cet article clair et précis
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Bonjour, j’aurais pensé que la perte de volume de la peinture au cours de sa lente siccativation aurait été une cause du craquelement.
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Auteur
Bonjour. Effectivement, le craquelement d’une peinture est effectivement inévitable au fil des décennies. Cependant, en respectant rigoureusement la règle “gras sur maigre” vous minimiserez et retarderez ce processus malheureusement intrinsèque aux tableaux peints avec des couleurs à l’huile. Bien à vous. La Manufacture.
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